Un article particulièrement intéressant "Du marketing à l'économie numérique : une boucle de prédation" - publié sur le site Dans les algorithmes écrit par Hubert Guillaud suite à la lecture du magazine The American Prospect en juin 2024 - met en lumière comment le marketing numérique et les technologies de surveillance transforment l'économie, conduisant à une "tarification de surveillance" où les prix sont personnalisés et opaques.
Cette évolution, alimentée par la collecte massive de données, permet aux entreprises de maximiser leurs profits en ajustant les prix en fonction de la capacité et de la volonté de payer des clients, plutôt que sur les coûts de production.
« les prix sont devenus high-tech », c’est-à-dire qu’ils dépendent plus qu’avant de calculs hautement techniques et reposent de moins en moins sur une évaluation du prix de revient et d’une marge, mais de plus en plus sur des ajustements multiples, comme l’évaluation de la capacité à payer des clients.
L'article souligne que cette pratique peut conduire à des inégalités, où les personnes les moins aisées finissent par payer plus cher.
Il examine également comment les applications et les plateformes numériques, comme McDonald's et Uber, utilisent la personnalisation des prix ("prix dynamiques") pour augmenter la fréquence et la taille des commandes, tout en rendant les tarifs imprévisibles et potentiellement inéquitables.
La promesse d’adresser des prix différents à ses clients, de leur facturer différemment un même produit en fonction de leurs caractéristiques ou de leurs comportements est une promesse récurrente du marketing numérique. La granularité des données collectées sur les clients et leur isolement en ligne fait que désormais la tarification algorithmique dynamique est plus en passe d’advenir qu’autrefois, comme s’en inquiète Lina Khan, la présidente de Commission fédérale du commerce (FTC) américaine.
L'article critique aussi le manque de régulation et appelle à un "droit au prix" public pour contrer ces pratiques, en interdisant l'exploitation de certaines données personnelles et en obligeant les entreprises à informer les consommateurs des discriminations tarifaires.
Shoshana Zuboff, l’auteure de l’Age du capitalisme de surveillance. Dans le marketing de surveillance, on vous propose des réductions en échange du droit à collecter vos données, qu’on exploite ensuite pour faire évoluer les prix. La promotion permet de valider le consentement…
De multiples points sont abordés dans cet article, en voici quelques uns :
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Tarification de surveillance
Personnalisation opaque des prix via l'exploitation de données comportementales, permettant aux entreprises d'ajuster les tarifs selon la capacité de paiement des consommateurs. -
Maximisation des profits
Stratégies numériques (applications, plateformes) visant à augmenter la fréquence et le montant des commandes, comme dans les cas de McDonald's ou Uber. -
Inégalités économiques
Effet disproportionné sur les populations moins aisées, contraintes de payer davantage en raison de modèles tarifaires prédatoires. -
Manque de régulation
Critique de l'absence de cadre légal encadrant l'utilisation des données personnelles et les discriminations tarifaires. -
Revendications politiques
Appel à un « droit au prix » public pour garantir la transparence et interdire l'exploitation de certaines données sensibles.
Même si l'approche est totalement américaine, "les pratiques marketing des grands acteurs américains ne sont pas étanches" comme dit très justement H. Guillaud.
Si le RGPD européen permet de réguler le marché de la donnée il ne protège pas pour autant des logiciels et de leur capacité de calcul automatisé.
..." le public déteste les tarifs personnalisés et la tarification de surveillance. C’est pourquoi cette tarification optimisée se déroule en secret, derrière les murs de plateformes de courtiers en information ou derrière ceux d’applications que nul ne peut inspecter."
Doctorow