La question de savoir si l’essor des IA génératives sonne le glas du web ouvert fait débat.
Le web ouvert repose sur des principes d’accessibilité, de transparence et de participation : chacun peut publier, consulter et partager des informations librement.
Les IA génératives, en agrégeant et en synthétisant des contenus, menacent ces principes en devenant des intermédiaires incontournables entre l’utilisateur et l’information.
- Centralisation de l’accès à l’information : Si les utilisateurs se tournent massivement vers des assistants IA pour obtenir des réponses, ils visitent moins les sites web, réduisant ainsi la diversité des sources consultées.
- Opacité des sources : Les IA ne citent pas toujours leurs sources de manière exhaustive, ce qui peut rendre difficile la vérification de l’information et affaiblir la transparence.
Menaces sur l'ouverture et l'économie du web
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Les IA génératives absorbent et exploitent massivement les contenus ouverts, souvent sans attribution, compensation, ou consentement des créateurs ; cela crée une concurrence asymétrique entre sites web et plateformes d’IA.
> En quoi les IA de Google ont de quoi inquiéter -
Des dizaines de millions de contenus sont aspirés chaque mois ; dans certains secteurs (actualités, conseils, éducation…), la baisse de visibilité devient critique.
Les éditeurs dénoncent une "paraphrase" de leurs contenus par l’IA, ce qui limite la découverte et la diversité des sources, et pose des questions sur la responsabilité et la transparence des algorithmes.
Baisse de trafic, changement de comportement en ligne...
> La transformation de la recherche en ligne
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Le trafic humain sur les sites décroît fortement : les internautes consultent directement des agents IA au lieu de visiter les sites sources, ce qui ruine le modèle économique fondé sur la publicité et l’abonnement.
> Web : le trafic automatisé (IA) dépasse l'activité humaine -
Face à la captation non régulée, certains éditeurs bloquent les robots IA, mais cela réduit aussi leur référencement, aggravant leur perte de trafic.
> Est ce qu'il faut bloquer les chatbots IA sur son site web ?
Dans un document judiciaire déposé début septembre 2025, Google a admis que « le web ouvert est déjà en déclin rapide ».
Un revirement pour Google, qui affirme depuis des mois que le net est florissant et que son IA et son moteur de recherche sont vertueux.
> Source - page 5 : Google Memorandum Ad Tech - septembre 2025
Les risques à surveiller
- Monopoles technologiques : Si quelques entreprises contrôlent les principales IA, cela pourrait renforcer leur pouvoir sur l’information.
- Qualité et désinformation : Les IA peuvent propager des erreurs ou des biais, surtout si elles s’appuient sur des données non vérifiées.
- Modèle économique : Le web ouvert repose en partie sur la publicité et les revenus des créateurs. Si le trafic se concentre sur les plateformes d’IA, cela pourrait fragiliser les médias et les petits acteurs.
Un avenir à co-construire
Tout dépendra des choix technologiques, réglementaires et sociétaux :
- Régulation : Des règles pourraient imposer plus de transparence aux IA (comme l’obligation de citer les sources).
- Collaboration : Les acteurs du web et les développeurs d’IA pourraient travailler ensemble pour préserver la diversité et la qualité de l’information.
- Éducation : Apprendre aux utilisateurs à critiquer les réponses des IA et à vérifier les sources reste crucial.
En quelques mots :
Les IA génératives, en agrégeant et en synthétisant les contenus du web, représentent une menace réelle pour le web ouvert, principalement en modifiant la manière dont les contenus sont consultés, attribués et monétisés.
On assiste à une érosion et à une réorientation du web vers des modèles plus centralisés et dépendants des plateformes.
A terme, la valeur du web se concentrera autour de grandes plateformes d’IA - essentiellement américaine, au détriment de la diversité et de la pluralité des voix indépendantes.
Est ce la fin du web ouvert ?
À l’origine, le web était un espace décentralisé où chacun pouvait créer, héberger et partager du contenu librement.
Aujourd’hui, une poignée de plateformes (Google, Meta, Apple, Amazon, Microsoft...) contrôlent l’essentiel du trafic, des données et des revenus.
Ces « » (walled gardens) comme Facebook, TikTok ou YouTube captent l’attention des utilisateurs, qui passent moins de temps à explorer des sites indépendants.
Des sites web qui deviennent de plus en plus standardisés et uniformes.
Les sites indépendants adoptent des templates similaires pour plaire aux algorithmes, réduisant toute créativité et singularité.
Google privilégiant les sites optimisés pour le référencement, souvent au détriment de la qualité ou de l’originalité.
Les utilisateurs passent aussi de plus en plus de temps dans des applications mobiles (TikTok, Instagram, WeChat) plutôt que sur le web ouvert. Ces apps sont des silos fermés, où le contenu est contrôlé par une seule entreprise.
L'entrée des IA generatives avec des outils comme (ChatGPT, Le Chat...) ou les flux personnalisés (TikTok, Reels), les utilisateurs obtiennent des réponses ou du contenu sans jamais visiter de sites web.
Le web devient une infrastructure invisible, masquée par des interfaces qui filtrent et résument l’information.
Conséquence : Moins de clics vers les sources originales, moins de diversité des points de vue, et une dépendance accrue aux algorithmes des plateformes.
Les signes d’une réinvention possible
Le web ouvert n’est (peut-être) pas condamné à disparaître. Plusieurs tendances apparaissent ces quelques années.
Des plateformes comme Discord, Matrix, Pixelfed ou Mastodon montrent qu’il est possible de créer des espaces sociaux sans dépendre de Facebook ou Twitter. Ces outils sont souvent plus respectueux de la vie privée et plus transparents.
Des solutions comme permettent aux utilisateurs d’héberger eux-mêmes leurs données et leurs contenus, sans dépendre de serveurs centralisés.
Des technologies comme (pour les réseaux sociaux fédérés), (pour un web décentralisé), ou (projet de Tim Berners-Lee pour redonner le contrôle des données aux utilisateurs) offrent des alternatives aux silos des GAFAM.
Des modèles comme ou Hugging Face montrent qu’il est possible de développer des IA puissantes sans dépendre des géants.
Ces technologies pourraient être intégrées dans des projets web décentralisés.
Le web de demain pourrait être un mélange de :
De plateformes centralisées (pour le grand public, avec des régulations strictes), d'espaces décentralisés (pour ceux qui veulent plus de contrôle), d'outils d’interopérabilité (pour passer facilement d’un espace à l’autre).
Lecture
Vive les communs numériques !
de Serge Abiteboul et François Banchillon aux Éditions Odile Jacob - février 2024
Ou en téléchargement sur abiteboul.com

